La force faite femme

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Les méchants, les truands et les brutes, c'est bien connu, ont toujours des poils au visage : barbe plus ou moins longue et fournie pour les illuminés, petit bouc bien taillé pour les psychopathes dans le déni, moustache de séducteur des années 70 pour les tueurs en série, faciès mal rasé façon mauvais garçon pour les autres... la panoplie est vaste. Il y en a même qui ont l'air imberbe, portent costume-cravate, sourient avec un air niais à leur mère et font semblant d'être très occupés par leur profession libérale ou commerciale, quand ils ne prétendent pas être des créatifs dans la publicité. Les méchants et les brutes sont toujours des mâles. Quand ils ne sont pas en train de tuer, de violer, d'inciter publiquement à la violence, de brûler des pneus, d'exploiter des gens naïfs et sans défense, de demander des dessous de table ou de pratiquer des délits d'initiés, ils commettent des infractions de routine : bloquer la rue en double file, jeter des détritus n'importe où, fumer dans les lieux publics, couper la queue, griller le feu rouge, rouler trop vite, rouler sans ceinture, rouler n'importe comment, klaxonner inutilement dans une zone résidentielle...
Face aux méchants, aux truands et aux brutes, la direction de la maréchaussée a peut-être enfin trouvé une arme pour faire respecter la loi et l'ordre : un contingent de policières, et pas de celles qui restent dans les bureaux à trier le papier et préparer les cafés à ces messieurs ! Trop rare illumination dans un Liban entre crise de nerfs et dépression, cette escouade des Forces de sécurité intérieure, dûment équipée et armée de fusils d'assaut, est la première du genre de ce côté-ci de la Méditerranée - Israël mis à part. Malgré la pause martiale adoptée pour la séance de photo, le chignon est impeccablement tenu sous le béret et l'avant-bras parfaitement épilé. De quoi réjouir le prochain manant qui opposera une résistance à son arrestation et se fera maîtriser par une clef de bras experte. 
D'une manière plus prosaïque, on constate depuis peu une attitude volontariste de la part des organes de sécurité (FSI, Sûreté Générale, Douanes) à promouvoir et à rendre visible le personnel féminin de ces institutions symboliques de l'État de droit et de l'État tout court. S'il faut évidemment se réjouir sans modération de cette contribution à réduire les inégalités entre les deux sexes, trop patente dans notre pays, la présence active des femmes au sein des FSI pourra peut-être contribuer à faire descendre le taux de testostérone qui pollue l'air et les relations entre les Libanais. Reste à voir le phénomène se répercuter plus haut dans la hiérarchie. Mais c'est surtout une leçon qui, au Parlement comme dans la rue, devrait être suivie par les politiciens de tous poils.
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Article publié dans l'ORIENT LITTERAIRE, supplément de l'Orient-le Jour du jeudi 5 juillet 2012

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