Liban, elections 2009 : POUCE !

En cette je-ne-sais-combien semaine de l'an 2009 - deux milles neuf ans après la naissance de jésus dans des conditions misérables et peu hygiéniques à l'intérieur d'un camp palestinien de Bétlehem - je profite du début de saison des fêtes privées dans les jardins de Beyrouth pour reprendre en main la rubrique de l'Observatoire.

La cuvée 2009 du parlement libanais ressemble à celle de 2005, l'encre violette sur mon pouce gauche est toujours incrustée sous l'ongle, les jacarandas sont encore en fleur et la mode des talons SM semble marquer la tendance estivale. Il y a largement de quoi se réjouir.

Commençons avec un peu de culture pour ne pas chagriner trop vite les cultureux de service qui auront de quoi se lamenter par la suite : une expo itinérante de monochrome de Jackson Polock dans la circonscription électorale Beyrouth I dont je suis le commissaire. En regard de la quantité de chipolatas et de vin que j'avais descendu au vernissage, le rouge-marron est la tendance chromatique dominante de cette nouvelle série très réussie. En voyant les œuvres, on note tout de suite le caractère spontané de ces actions-painting. L'exposition commence non loin d'une de ces villas que Lady Cochrane a eu la gentillesse de mettre en location sous le quartier de charme dit Sursok. Elle suit la rue Gouraud à Gemayzé jusqu'aux escaliers Saint Nicolas, remonte, puis file en direction de la SNA avant de se terminer dans une galerie privée de la rue du Liban. La pièce maîtresse se trouve à l'ombre de jeunes pins, dans un micro parc, non loin de l'appartement en colocation des artistes libanais de renom Charbel H et Abdallah K. Il faut dire que je tentais de me rendre chez eux nuitamment pour un after-vernissage, sous le prétexte fallacieux de souhaiter un bon anniversaire à Lana D, alors que Caline continuait à faire bouger, à l'open-party de Georges et Carole S, le popo des dames et des messieurs de la BSL avec sa playlist mi-nostalgia-quatre-vingts à la Michel Drucker mi-tubes queer faciles qu'elle nous avait déjà servie le soir d'avant sur un toit de Badaro à la pré-open-party que Chérine G avait organisée pour fêter l'anniversaire de son mariage en seconde noce avec le célèbre photographe Roger M. Je n'ai évidement pas réussi à savoir qui s'occupait de l'ambiance sonore à la birthday barty barty ooh oooh yeah intitulée King Hassan & The Space Invaders vu mon emploi du temps extrêmement serré de commissaire d'exposition. A mon corps défendant, cette période de coït électoral se prête idéalement à l'organisation d'événements contre-culturels. Ce n'est pas le camarade MGH et son acolyte Merched Zakhia qui me contrediraient, eux qui pratiquent la résistance par la culture contre la culture de la résistance du sus-mentionné King Hassan, roi iconique du pop art libanais et maître post-bourdieusien de la performance à la Chris Burden. Ahhhh, si Hassan avait été à Berkeley faire de la littérature pieds-nus au lieu d'aller faire le zozo à Najaf dans sa jeunesse. Mais non, ça ne s'est pas passé comme ça. Et ça n'est pas plus mal, sinon ça nous aurait fait un psychanalyste hippie barbu caresseur d'enfants blonds de plus sur la terre. Notez qu'à $ 150 USD la séance non remboursable, ça aurait pu être intéressant côté business. Sauf que là, au moins, on a un mec qui est prêt à mouiller son turban pour que le Liban reste sur le devant de la scène. Il sue tellement que je me demande combien de fois par jour il change son couvre-chef en été. Sans parler de la barbe qui voit ruisseler parmi ses milliers de longs poils faciaux 10 litres de sueur à chaque speech enflammé sur Manar. Je n'ose même pas imaginer le bas du dos, les aisselles et l'entre-jambes. Il doit y avoir de quoi faire une marmite de soupe par jour pour chaque veuves de miliciens-martyr du Hezb jusqu'à ce que Jérusalem soit libérée de l'occupant sioniste.

Dans une veine identique, je dois dire que la seule chose qui m'a marqué pendant nos dernières élections, c'est cette espèce de récipient dans lequel chaque inscrit votant a dû plonger nonobstant son pouce gauche afin de l'empêcher d'aller re-demander une rallonge pour les vacances payées que beaucoup de candidats lui ont gracieusement offert en échange d'un petit vote clientéliste. On nous casse les couilles avec la pandémie de grippe porcine - c'est sûr que c'est juste pour faire chier les Chinois, les Allemands et moi-même - mais personne au Liban, et surtout pas le Ministre de la Santé, ne s'inquiète des conditions d'hygiène relatives au petit pot d'encre violette des bureaux de vote.
Tout d'abord, de quoi parlons-nous ?

La sensation est proche de celle que l'on a lorsqu'on plonge maladroitement, à l'adolescence, son doigt dans la culotte de la fille du boucher qui, après 6 semaines de flirt intensif, a fini par accepter une petite visite amicale. Sauf que là, le liquide dont est imbibé l'éponge est tout froid et inodore - comme la mort -, et, depuis 8 heures du matin, tous les gens de votre communauté font la queue pour plonger leur pouce dans le même petit orifice. Encore que dans ma mini communauté de merde, qui n'a pas droit à un putain de siège confessionnel, on se connaît presque tous, on est propre, on se coupe les ongles régulièrement et on se lave les mains plusieurs fois par jour, avant et après les repas. C'est pas comme d'autres qui se les laissent pousser pour se gratter plus commodément les oreilles ou d'autres parties moins nobles de leur anatomie crasseuse. Et quand je dis petite communauté, c'est en connaissance de cause : tout au plus 120 inscrits sur les listes confessionnelles de notre municipalité d'origine. Imaginez maintenant le nombre de pouces gauches à l'hygiène douteuse (ou absente) qui ont été plongés dans les pots d'encre dans les bureaux pour les communautés nombreuses, genre - selon les coins du Liban - chiite, sunnite et maronite. Imaginez maintenant que vous avez roulé plusieurs heures pour aller dans le bled qui a vu naître votre arrière-arrière-arrière-grand père, que vous venez de glisser votre bulletin de vote dans l'urne et qu'il faut obligatoirement, ici et maintenant, enfiler votre pouce gauche dans le pot d'encre. Sauf que juste avant vous, il y a le petit-petit-petit-petit-fils de la bergère, que votre arrière-arrière-arrière-grand père avait sauté gaillardement avant de fuir à la ville, qui vient de tremper son pouce qu'il essuie à peine avec le kleenex que l'employé municipal débonnaire vient de lui tendre en triant sur sa cigarette Cedar. Le matin même, le petit-petit-petit-petit-fils de la bergère, lui-même berger (et gaucher), a successivement :

1- aidé deux chèvres à accoucher,
2- répandu un peu de purin autour de l'étable,
3- extrait une morve de son nez qu'il a collé sur une affiche électorale,
4- inspecté la virginité de sa fille aînée,
5- remis un peu d'huile dans le moteur de la mercedes,
6- écrasé une mouche sur le pare-brise de la mercedes,
7- serré une bonne trentaine de mains douteuse à l'entrée du bureau de vote,
8- uriné dans ce qui ressemble à des WC de l'administration communale,
9- tenu - entre le pouce et l'index - le bulletin de vote que son zaïm (et accessoirement prêteur d'argent) lui a tendu.
Sans se laver une seule fois les mains.

Moi, je dis, dans ces conditions d'hygiène, je préfère encore m'injecter moi-même le virus de la grippe porcine avec une vieille seringue de drogué kurde séropositif que de voter au Liban. D'autant plus que les mêmes abrutis repartent pour un nouveau tour de manège pendant 4 ans, et que le site officiel des élections 2009, avec son petit logo riquiqui - un cèdre en empreinte digitale verte (et pas violette!) entre deux mâchoires rouges - payé par le contribuable, n'a toujours pas publié les résultats une semaine après le scrutin.

Alors, en ce dimanche 14 juin 2009, quel espoir nous reste-t-il pour nous les dévots du Liban vraiment véritable ?
Le Liban noble et digne, perché sur un minimum de 10 cm de talon.
Le Liban épilé, manucuré, habillé des soies légères et transparentes qui virevoltent à chaque rire à gorge déployée et dos échancré jusqu'à l'avant-dernière vertèbre du bas.
Le Liban plus glorieux que le plus grand arbre de la la plus grande forêt de cèdre du pays.
Le Liban plus chanteur et danseur que Oum Kalsoum, Dalida, Gloria Gaynor, Boney M, Donna Summer, Soft Cell, Sylvester, Bronski Beat et la Compagnie créole réunis.
Le Liban sans lequel le Liban ne serait qu'un vague campement de chevriers sales, idiots, désœuvrés, à peine distrait par des concours nocturnes de pets et dont Pol Pot ne voudrait même pas pour se faire la main.
Je vous le demande ?

Avec 4 sièges sur 128, l'espoir est ténu.

Bon, la jeunette Nayla Tuéni, on attend de voir... mono ou bikini ? Mon petit doigt (pas le violet) me dit que ça va virer rapidement barboteuse à la maison et séance de yoga pour décompresser.

Gilberte Zouein du Kesrouan bat déjà les records de laque dans les cheveux de Randa Berry (hélas, 1000 fois hélas, disparue de la scène des mondanités. Randaaaaaa, revient !). Une grande promesse. Ne nous déçoit pas, Gilberte !

Bahia Hariri, la sirène de Saïda, toujours aussi ravissante et sévère sous sa voilette blanche, devrait s'en tenir au minimum syndical et faire de la représentation familiale dans les orphelinats plus quelques réunions de dames. Pfff, pas très excitant.

Sethrida Geagea, la rose de Bécharré, n'a plus, hélas, la fraîcheur d'antan, du temps où elle allait rendre visite à son mari dans les caves du Ministère de la Défense (ou alors c'était l'Intérieur?!) et en ressortait toute en pâmoison. Mais elle rempli parfaitement sa mission pacificatrice auprès des foyers d'ex-miliciens FL. Tant que ces messieurs ont les mains occupées à se caresser autre chose que le M-16 planqué sous le lit, on est tranquille.

Non, en fait, l'espoir est très nu.

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