Liban : la plus belle démocratie du Proche-Orient



Rappelez-vous. C'était il y a longtemps. Il y a plus d'un mois.
Le peuple libanais a sacrifié cette belle journée du 7 juin pour aller élire ses représentants au Parlement. On a voté, on a pu montrer à nos amis notre pouce gauche violet, très fier du devoir accompli et heureux d'appartenir à la plus belle démocratie du Proche-Orient. Depuis... pas grand chose de neuf : quelques vernissages, une ou deux projections de films pro ou anti quelque chose, des festivals ici et là, une annulation d'un spectacle populaire d'humour francophone, des résistants culturels en train de gesticuler, des culbuteurs hilares de résistants culturels en train de testiculer, un président de la chambre élu, des tirs de joie, un premier ministre désigné, des tirs de joie, quelques morts au passage, beaucoup de mariages d'été - et ça n'est que le début -, quelques nouveaux nés au passage, des bars et des plages remplies de Libanais d'ailleurs, des Libanais d'ici ailleurs mais surtout à Avignon pour un festival et de la culture, et toujours pas - c'est devenu une habitude - de gouvernement pour gouverner.

Bref, on s'emmerde un peu en ce début d'été, dans la plus belle démocratie du Proche-Orient.

Heureusement, comme il fait chaud, les filles portent court et léger, les tomates sont mures pour les gaspachos, les serial-shoppeurs sont en villégiature à la montagne et les enfants brailleurs sont en vacances. Et le soir, une brise légère vient caresser et rafraîchir nos thorax et nos membres humides de sueur, surtout quand on a la bonne idée de rendre visite à de charmantes demoiselles qui nichent haut perché sur un toit du quartier.

En parlant de brise, il y a bien eu la mort de Bambi, plus connu sous le nom de Michael Jackson, pierrot lunaire blanchi à la chaux et génie de la scène pour enfant échappé du laboratoire du docteur Mengele à Disneyworld.
On a fait un sondage FB pour savoir qui avait tué Bambi.
7 coupables ont été désignés :
- les enfants (il y en a un qui a toujours le fameux gant blanc qui lui pend du slip)
- Blanche neige (elle fait snif-snif mais ne pleure pas)
- les 7 nains (évidement jaloux)
- des hippies (dénoncés par une bande de skinhead anti-mutants)
- les volatiles des cieux, les bêtes du sous-sol ou peut-être un être humain d'origine de Batroun
- la chirurgie (il paraît que MJ a conservé ses anciennes narines pour offrir des bagues en cuir à Diana Ross)
- les Syriens, les Iraniens et le Hezbollah (les recettes de la tournée prévue en fin d'année étant supposées financer l'achat de merkavas et de caterpillars pour bombarder Bint Jbeil et raser Gaza)

Pour le reste, c'est un peu mou.

Mou comme la culture et la résistance culturelle au Liban.
Aviez-vous remarqué que depuis avril 2009 Beyrouth était capitale mondiale du livre ? Pas vraiment, hein ?!
Il y a bien eu l'ouverture de PaperCup à Mar Mikael (à boire, à manger, à lire et à regarder). Il reste en rab' un exemplaire de Tom of Finland que le Patriarcat maronite avait commandé, mais ils ont préféré investir dans des maillots de bain Roberto Cavalli pour le séminaire d'été au bord du lac de Côme. Par contre, sachez que l'ouvrage photographique sur les love hotels japonais est fermement réservé par un ami jésuite, très à voile cet été. Sinon, vous pouvez toujours vous rabattre sur quelques carnets de note Moleskine et aller faire votre Hemingway au Torino. Ca ne fera pas de vous un grand romancier, mais vous pourrez peut-être essayer de convaincre une jeune étrangère que vous êtes le prochain dramaturge arabe underground et pas rasé si elle accepte de coucher avec vous ce soir. Dans le genre, le Dany's à Hamra vous donnera une deuxième chance en cas de râteau monumental côté chrétien. Car à Gemayzeh et à Monot, dans les autres bars, c'est foutu. Depuis le premier juillet, on ne sert plus que les mâles libanais de la diaspora avec amabilité. Il faut avoir l'accent de Paris, Londres, New York, Sydney ou Montréal, sinon c'est 30 minutes d'attente pour une bière pas fraîche. Les mâles locaux n'ont qu'à aller se faire voir à la plage ou dans les festivals nettoyés de tout artiste juif. Déjà que Beiteddine c'est pas tout près, mais si en plus il n'y a pas de juif, je préfère rester à l'ombre dans mon camp de travail avec mes amis homosexuels, tziganes, communistes, noirs, coréens du Nord et syriaques catholiques pour écouter Rostopovitch en cachette. Notez que pour les femelles, c'est un peu différent. Les serveurs font moins le distinguo entre la locale du coin et la locale d'ailleurs. Ils sont un peu aounistes. Ils sont proportionnalistes dans l'âme. Et ça ne les gène pas si les femelles sont épilées moyen-moyen, à la proportionnelle (quoique phénomène assez rare en cette saison). C'est leur côté nature, aux aounistes. Et un peu mou de la fesse, aussi. Faut dire qu'ils sont pas trop porté sur les exercices physiques, qu'ils sont banlieusards (du Metn à Batroun) et que les longs trajets aller-retour en voiture n'aident pas non plus au raffermissement du cul. Surtout avec les automatiques qui n'ont besoin que d'un pied et d'une main pour être manœuvrée (l'autre main étant de toute façon occupée à envoyer quelques textos).

Enfin, s'il fallait compter sur les aounistes pour nous sortir de la torpeur de cet été en pente molle, ça ce saurait. On comptait pourtant sur eux pour nous fournir quelques beaux dossiers sur les mic-mac financiers de l'oligarchie sunnite locale depuis Taëf ou sur les petits crimes entre amis commis par les anciens kapos de l'Etat cédrocéphale de Phénicie. Rien, à peine quelques plaintes à propos des empiétements sur le domaine public exercé par les Jamil Brahim des plages jbéliotes. " Ouh ! ouh ! les vilains aounistes ! ", s'effrayent ces dames en paréo, toutes huilées au Piz Buin ou au Coppertone, qui agitent leurs doigts de pieds aux ongles couleur fushia nacré dans le sable tamisé de la plage privée. On ne va quand même pas avoir une plage pour tout le monde, pleine de gens de couleur, de confession et de situation financière différente. Surtout si leurs femmes sont voilées, ont le sphincter retapé 3 fois par saison, sont interdites d'activités masculines (comme roter sa bière en suivant le tour de France à la télévision - émission très prisée par Marguerite K, grande adoratrice des cuisses de Contador -, sans être accompagnée par un père, un oncle, un frère ou, à l'extrême rigueur, un cousin). Pire, il serait même question que les compères du généralissime soient des empêcheurs de jouir, de commercer et de consommer en paix. Bande de salaud ! On voit bien qu'ils sont à la solde des Iraniens, à vouloir foutre en l'air la saison touristique et l'avenir professionnel des loueurs de parasols et des promoteurs immobiliers. Et que dire de l'avenir des valets parking, depuis qu'un cousin de l'autre général - celui qui fait la planche dans la piscine du country club de Hazmieh - a obtenu la concession des parcomètres beyrouthins pour 10 ans. Tiens, ça, dans le genre empiétement et privatisation de la chose publique, ça à moins l'air de les déranger, les aounistes. Faut dire que depuis, les boulevards font plus propre-en-ordre, dans le genre Pyonyang à la saison des cerisiers en fleur. Ca leur plaît, ça, aux aounistes. Y a juste à la rue Gouraud (tiens! encore un général... décidément!) que ça n'est pas passé. Les riverains se sont révoltés. Déjà qu'ils doivent se farcir les post-ados en goguette éthylisée, ils vont quand même pas, en plus, payer pour parquer leur bagnole. Y a une limite dans l'engraissement éhonté des membres de la famille des anciens commis de l'Etat. Quoique... c'est pas sûr ! Surtout au Liban. No fear, no limit ! En tout cas, vu l'état du trottoir de la rue Gouraud, parsemé d'obstacle divers - vis sortant du sol, trous, poteaux sans panneaux - la compagnie de parcomètres du cousin Lahoud se l'est un peu jouée Tsahal avant de se retirer la queue entre les jambes. Il va falloir du temps et de la bonne volonté pour déminer tout ça. Vite, envoyez les ONG à la rue Gouraud !

On pourrait donc penser qu'à l'observatoire, on est un peu d'humeur rabat-joie et grinchouille. Il n'en est rien !

Un homme, un seul, héros dur comme le bois de cèdre et pas encore martyr, éclaire d'une lumière radieuse pleine de parfum de rose et de jasmin ce mol été pendouillant : Nabih Berry !


Contrairement au Président qui n'a pas vraiment de pays sous son entière autorité, contrairement au Premier ministre qui n'a pas de gouvernement pour gouverner, Nabih a, lui, un Parlement plein de parlementaires élus le 7 juin dont il est le chef. Voilà un homme qui a réussi ! Vite fait, bien fait ! Droit au but ! Sans fioritures inutiles ! On a pas eu besoin de l'attendre des mois comme Sleimane. Quant au gouvernement de Hariri... notez qu'on a l'habitude, ces dernières années : les sièges ministériels, c'est tellement du bricolage pour faire plaisir à tout le monde, qu'on se demande bien si ça sert encore à quelque chose quand ça existe.

Donc... Nabih...
Il faut dire qu'à l'observatoire, le gaillard - mâle alpha dominant de l'Amal - est sous notre microscope depuis un bon moment. Ainsi que sa femme ex numéro 1 devenue numéro 2 parce que la 1 maintenant c'est une fonctionnaire du Ministère des Affaires étrangères, apparemment plutôt bien roulée, selon les dires de nos informateurs non rémunérés par l'Etat hébreu. Ahhh, Randa, poème laqué, pièce montée au casque d'or, ne te laisse pas faire ! reste la première concubine ! Mais ça n'est pas à cause d'elle qu'on est super fan du bonhomme, CEO de Déshérités plein d'espoir & Co depuis que Moussa Sadr lui a remis les clefs de la boutique.
Tout d'abord, en bon chef de milice mafieuse, c'est un homme raisonnable avec qui on peut discuter raisonnablement. Armes, drogues, alcool, réfugiés, terrains, femmes, enfants, couleur de cravate, enlèvements, tout se négocie - ou presque. Faut juste pas toucher aux copains de poker de la famille Assad.
Ensuite, c'est un homme qui sait vivre et sait partager ses joies avec les siens. D'une manière très prévisible. Et généreuse.
Contrairement aux journalistes dont la spécialité est d'aller prendre la température des enfumages et des rumeurs dans les salons cossus des chefs de famille, des guides communautaires et des propriétaires des entreprises privées qui louent cher leurs services à l'Etat où travaillent leurs cousins, à chaque réélection du Berry, nous, à l'observatoire, on va sur le terrain dans la rue, pour apprécier à sa juste valeur la grandeur et la noblesse de la geste amalienne.
Le meilleur poste d'observation est certainement juste en face de la permanence d'Amal à Ghobeiry, à quelques pas de la forêt de pins sur le boulevard Hadi Hassan Nassrallah (fils du big boss du Hezb, parti se faire quelques vierges au Paradis, juste après avoir atteint l'âge légal). C'est là que les vaillants guerriers d'Amal se relayent pour célébrer dignement, dès l'annonce officieuse, la réélection du suprême Berry d'Amal à la tête du Parlement. Pendant que les plus jeunes suivent attentivement - tout est enregistré sur leur téléphone portable - et avec beaucoup d'admiration leurs aînés qui vident de nombreux chargeurs d'AK74 en direction de Tarik el Jdideh, les plus hardis des "abadayes" (forts à bras dont il ne vaut mieux ne pas trop contester l'autorité et la masculinité) en rajoutent une couche en allant chercher au frigo quelques RPG bien frais pour rassasier la populace assoiffée et toujours partante pour une bonne blague à faire aux voisins des quartiers qui sont entretenus par le Moustaqbal. Allez, hop, on balance 3 roquettes, pour rire. Boum. Boum. Boum. Au départ, ça fait toujours son effet avec une détonation plus excitante et un souffle plus puissant que n'importe quel sound-system à infra-basse made in Miami. Et ça fait rêver les plus jeunes... si vous êtes bien sage, papa Berry vous laissera tirer un RPG pour fêter sa prochaine réélection... en attendant, vous pouvez toujours aller vous promener en scooter dans le quartier en tirant en l'air avec un petit calibre. Pas trop quand même. Un canon trop chaud, ça brûle les poils des fesses quand on range le flingue nonchalamment, l'air goguenard, dans le pantalon, juste au niveau de la raie. Bref, une belle ambiance de fête foraine, certes un peu trop unisexe, mais joyeuse à souhait. Rien de tel pour redonner un peu de tonus à ce morne début de saison estivale. La preuve, les voisin de Tarik el Jdideh, pas en reste, en ont profité peu après en organisant leur propre fête de quartier, histoire de célébrer la nomination du fils de feu Rafiq Hariri à la place de Premier ministre. Ca n'a pas plu à tout le monde. L'affaire est partie un peu en couille et a dégénéré en bataille de quartier avec une jeune kurde mère de famille passée en perte et profit des réjouissances inter-confessionnelles. Pas sympa. Sans rire !
Un chauffeur de taxi zigzagueur, un concierge hydrocéphale, un ministre corrompu, une chauffarde en 4x4, un censeur à la solde des monothéistes pratiquants, pas de problème : je sponsorise les RPG.
Un zozo en T-shirt Abercombie & Fitch qui prend toute la place au bar et vide nos stocks de Jägermeißter en hurlant des slogans aussi vains et creux que "Liban d'abord", "Palestine libre", "Où est passé mon vote?", "Victoire divine", "10'452 km2 ou encore "Fuck me, I am famous" : je vous tiens même votre bière si vous avez besoin de vos deux mains pour l'étrangler.
Mais une jeune mère de famille, quand même, c'est nul.

Cela dit, ne nous décourageons pas pour autant. C'est un bon début. Il nous reste encore un mois et demi pour nous amuser avec nos 2 millions de touristes attendus. Avec un peu de chance et une petite embrouille début août entre l'Arabie Saoudite, les USA, l'Iran et la Syrie, les rues pourraient chauffer au RPG. On aura peut-être enfin un peu plus de place au bar. Les filles auront plus d'espace pour croiser et décroiser les jambes, histoire de profiter de la brise légère. La moiteur estivale sera plus humide que celle à l'intérieur d'un slim Daniela Tobler. Ma bière Almaza sera plus glacée que la neige du Sannine et l'eau du Litani en hiver. Les mouvements de lèvre de mon interlocutrice seront plus fascinant et désirable qu'un peu d'ochta au miel glissée dans un abricot. Les voix d'Erykah Badu (dans "Honey" produit par The 9th Wonder) et de Sylvester (dans "I Need You" remixé par Ron Hardy) finiront par par me convaincre que je vis dans la plus belle démocratie du Proche-Orient.

Commentaires

  1. une petasse sans vernis fushia27 juillet 2009 à 22:28

    ou puises tu toutes ces idees ( fort droles par ailleurs...)?impressionnant. t'as le temps pour un tango tout de meme!?

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  2. à la mystérieuse sans vernis fushia (qui ne sait pas ce qu'elle rate...),
    le Liban est un pays fort stimulant qui recèle de trésors, cachés parfois, très visibles souvent. Il suffit d'ouvrir les yeux.
    Pour le tango, appelle et je trouverai toujours le temps.

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  3. tres amusant a lire style Gaby Nasr a l'orient-le-jour

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