Rasha Kahil prend ses aises, chez vous


© Rasha Kahil / Sporting 1

© Rasha Kahil / Untilted - One day with Rayya

© Rasha Kahil / Potterrels Farmhouse, AL9, Hertfordshire - tiré de la série "In Your Home"

© Rasha Kahil / Mare Street, E8, London - tiré de la série "In Your Home"

Ça nous arrive parfois. On rencontre une fille sympa, artiste, sûrement photographe. On discute à la plage, à Byblos ou au Sporting. Le temps passe. Elle prend quelques photos de gens sur les transats qui bronzent comme des cuisses de poulet bien alignées sur les grills de chez Lala. Ou de couples qui, l’air de rien, se tripotent et palabrent au le bord de la piscine. On se promène. Le ciel rougit. La fin de la journée approche. On rentre chez soi, prendre le frais sur la terrasse. Après une douche, on se sèche puis on enfile une chemise en coton blanc et sec. Le lit est encore défait de la veille. La fille sympa est toujours là, avec son appareil qu’on a fini par oublier. Presque. Elle prend encore quelques photos. C’est intime et amical. Rien de plus normal. Puis elle part. Elle doit rentrer à Londres où elle vit. Elle reviendra. On l’aime bien.

Ça nous arrive parfois. On reçoit un carton d’invitation à une exposition d’une photographe libanaise qui vit à Londres. On se dit que ça doit être intéressant, qu’il faut aller voir ça car ça a l’air de relever d’une quête du moi, du soi, du soi sien et de celui des autres. On y va, on y est. Et là, sur les murs, on voit cette fille sympa, la photographe, presque nue, assise dans notre salon. Il y a nos affaires, nos livres, nos meubles et notre vie privée, là, exposés, avec la fille presque nue et sympa, mais inexpressive, au milieu. On est troublé. Il y a d’autres intérieurs d’appartement, avec toujours cette fille qui pose, neutre, au centre de l’image. La nudité affichée n’est qu’une mise en abîme de la mise à nu de la vie de l’hôte. Rasha Kahil capture la vie des autres par autoportrait interposé. Profitant de quelques minutes d’absence du propriétaire des lieux, elle pratique avec une désinvolture calculée la révélation de l’intime. Cette série s’intitule « In Your Home », visible à la galerie The Running Horse, jusqu’au 30 juillet - www.therunninghorseart.com.

L’ensemble du travail étonnant de Rasha Kahil est aussi visible sur son site www.rashakahil.com ainsi que sur son photoblog « La gueule du monde » (rashakahilblog.blogspot.com)

- article publié dans l'ORIENT LITTERAIRE, supplément de l'Orient-le Jour du jeudi 7 juillet 2011 -

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